Les business leaders les plus reconnus (Jeff Bezos, Steve Jobs, Richard Branson, Marc Beniof..) ont eu beau répéter que le recrutement était l’acte managérial le plus important qui soit, force est de constater que nos organisations sont aujourd’hui encore loin d’y consacrer tous les efforts et toute la discipline requis.
En particulier, on continue d’observer que les processus, méthodes et postures utilisés pour recruter (y compris parmi les meilleurs cabinets d’executive search, spécialisés dans le recrutement de dirigeants) ignorent bien trop souvent totalement une menace forte qui pèse sur l’évaluation des profils et donc la qualité de la décision finale : celle des biais psychologiques des recruteurs.
Les biais psychologiques dans le recrutement : de quoi parle t’on ?
Clarifions d’emblée les choses : puisqu’il s’agit, in fine, d’humains évaluant et sélectionnant d’autres humains, il ne faudrait considérer que le recrutement puisse être une science, et encore moins une science exacte. Pour autant, il n’est pas non plus un art si subtil qu’il ne serait dépendant que du seul génie de recruteurs exceptionnels aux capacités de discernement, d’analyse et d’objectivité infaillibles.
Quelles que soient les qualité des recruteurs, le processus est en effet invariablement influencé par leurs biais personnels (très largement inconscients), des filtres invisibles à travers lesquels il perçoivent et jugent les autres, et qui impactent au bout du compte leurs décisions, de manière souvent subtile mais décisive.
Connaître, reconnaître et se méfier de ses propres biais est donc le premier pas vers un recrutement plus performant ..et certainement plus juste et inclusif également.
Tour d’horizon des biais les plus courants dans l’exercice du recrutement ou de l’évaluation des talents
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Le biais de confirmation
Tendance à rechercher, interpréter, privilégier et se rappeler des informations qui confirment nos croyances ou nos hypothèses préexistantes, le biais de confirmation peut, dans un processus de recrutement se traduire de bien des manières. Par exemple, le recruteur aura tendance, sans s’en rendre compte, à valoriser de manière non justifiable factuellement des candidats qui ressemblent à l’idée qu’il se fait à priori de la recrue parfaite, à ne pas être capable de passer au-delà de ses propres idées préconçues (portant typiquement sur des aspects comme l’âge, les origines, l’apparence physique ou la fameuse première impression que l’on s’est faite du candidat lorsqu’il est sorti de l’ascenseur.. etc).
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Le biais de similitude
Inclination à favoriser des individus qui se ressemblent en termes de background, d’expériences, d’intérêts, ce biais très courant (par exemple dans nombre de grandes entreprises, de cabinets de conseil ou dans la haute administration) peut conduire à la construction d’équipes de clones manquant de la diversité de compétences et de perspectives nécessaires au bon fonctionnement d’une organisation dans un environnement qui est, lui, est le plus souvent diversifié, instable et/ou complexe.
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Le biais de surconfiance
Tendance courante chez les recruteurs expérimentés, ce biais les conduit à progressivement surestimer la fiabilité de leur jugement personnel au détriment de données objectives ou de procédures structurées et établies d’évaluation. Les recruteurs concernés peuvent ainsi glisser progressivement dans un mode de fonctionnement où leur intuition prévaut, marginalisant les mécanismes d’analyse et de vérification ainsi que les dispositifs de pensée critique qui pourraient enrichir l’analyse et donc, la qualité de décision finale. Il est intéressant de noter que le biais de surconfiance est lui-même souvent le résultat de la non-mesure de la qualité de recrutement dans le temps (avec des indicateurs formels), mais aussi le résultat de deux autres biais : le biais d’attribution et le biais de survivance.
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Le biais d’attribution
Tendance à attribuer les succès ou échecs d’un recrutement à des causes erronées, le biais d’attribution peut par exemple conduire un recruteur surconfiant à s’attribuer les mérites lorsque le succès d’un recrutement est au rendez-vous et à s’en exonérer lorsque l’échec est au bout du chemin. Ce biais, très courant sous d’autres formes dans le monde de l’entreprise ne permet pas de revenir aux causes profondes du succès ou de l’échec et donc empêche de se placer dans une démarche d’amélioration continue fondée sur l’évaluation critique et documentée du résultat.
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Le biais de survivance
Ce terme est utilisé en recrutement pour décrire la tendance à se concentrer sur les personnes ou les phénomènes qui ont « survécu » à un processus de sélection et à ignorer ceux qui ne l’ont pas fait. En d’autres termes, cela revient à mesurer la qualité d’un processus de recrutement en ignorant que celui-ci nous a peut-être privé de talents (ceux qui n’ont pas été retenus donc) qui auraient apporté davantage que ceux que nous avons sélectionnés. Mais comme par définition, nous ne serons jamais confrontés à cette réalité alternative, le plus souvent, nous ne nous posons pas la question..
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L’effet de halo
L’effet de halo se produit lorsqu’un recruteur se focalise sur un seul ou quelques aspects positifs ou négatifs et laisse cette perception influencer son jugement global du candidat. Par exemple, si un recruteur est impressionné par le fait qu’un candidat a travaillé pour une entreprise très prestigieuse ou est diplômé d’une très grande école, il peut inconsciemment lui attribuer de facto de nombreuses autres qualités, même si celles-ci n’ont pas été directement démontrées..et inversement si on a affaire à un candidat au profil atypique. Ce biais peut naturellement conduire à une évaluation biaisée et potentiellement injuste des candidatures.
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Le biais d’éloquence
Ce biais extrêmement courant survient lorsque le recruteur accorde, dans son approche d’évaluation, une importance excessive aux informations verbales fournies par un candidat, au détriment d’autres critères plus objectifs ou de preuves tangibles de compétence. Les recruteurs influencés par le biais d’éloquence peuvent être impressionnés par des candidats qui s’expriment de manière impactante, structurée et avec une assertivité forte, même si leurs paroles sont très théoriques ou bien pas nécessairement étayées par des faits ou des réalisations concrètes issues de leur expérience. Cela peut conduire à surévaluer des candidats verbeux ou à l’aise dans la communication interpersonnelle mais potentiellement moins compétents que des candidats plus introvertis ou moins confiants dans leur communication.
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Le biais de conformité
Correspondant à la pression inconsciente que le recruteur se met pour se conformer aux opinions et appréciations d’autres personnes en qui il a confiance ou qui exercent une influence forte sur lui, le biais de conformité peut conduire le recruteur à ignorer ou passer sous silence des indices importants et dissonants qui auraient pu le conduire à avoir une opinion différente de celle du groupe et à la faire valoir de manière assertive.
Les biais psychologiques dans le recrutement : des répercutions fortes
Les biais psychologiques peuvent naturellement conduire à des mauvaises décisions de recrutement qui se soldent par des échecs purs et simples avec des impacts financiers souvent substantiels. Mais de manière plus insidieuse, ils peuvent également avoir des répercussions profondes sur l’entreprise, sa culture et sa performance :
- La diversité au sein des équipes peut se trouver restreinte, limitant ainsi l’éventail des perspectives et des idées et impactant la créativité et/ou l’innovation,
- La culture de l’entreprise peut devenir toxique par un conformisme ou une homogénéité excessifs porteurs de préjugés néfastes,
- L’entreprise peut peiner à se remettre en cause ou à se réinventer lorsque c’est nécessaire,
- La marque employeur de l’entreprise et sa capacité à attirer et retenir les meilleurs talents peuvent s’en trouver profondément affectées,
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Ces impacts sont évidemment d’autant plus forts que l’on parle de recrutement de cadres dirigeants. A cet égard, il est d’ailleurs étonnant de constater que le niveau d’exigence des processus de recrutement décroît fréquemment à mesure que l’on grimpe dans la hiérarchie de l’entreprise. Paradoxalement, alors que les postes de direction nécessiteraient une évaluation plus rigoureuse en raison de leur impact majeur sur l’entreprise, les processus de sélection s’avèrent en effet souvent moins structurés. Il n’est par exemple pas rare de voir des dirigeants recrutés après un simple entretien avec le/la Président(e) et/ou un Membre du conseil d’administration, sans qu’ils ne soient soumis à des étapes supplémentaires qui permettraient d’apporter des éléments objectifs pour étayer la décision.
Cette constatation résulte souvent d’un mélange entre l’effet de halo—l’idée erronée qu’une performance passée dans une entreprise est automatiquement gage de succès futur dans une autre—et le biais de conformité, qui induit une réticence à soumettre des profils de haut niveau à des évaluations perçues comme inférieures à leur statut. Cette lacune dans le processus de sélection peut entraîner des décisions inadéquates, affectant gravement la stratégie et la performance globale de l’organisation. Il est donc essentiel pour ces profils comme pour les autres de renverser la tendance en appliquant des procédures de sélection rigoureuses et uniformes de nature à minimiser les biais.
Comment minimiser les biais dans les processus de recrutement ?
Quelques solutions et techniques intéressantes existent pour réduire les biais et leur impact potentiel (liste non exhaustive) :
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Utiliser systématiquement une scorecard
Cet outil simple d’utilisation a le pouvoir de rendre les processus de recrutement (et notamment la définition du besoin) plus précis, orientés résultats, mais également plus logiques et cohérents. En définissant clairement les attentes et s’appuyant sur une évaluation objectivée des candidatures, la scorecard améliore la performance du processus de recrutement et ses résultats.
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Diversifier son sourcing
Attirer un éventail de candidats aussi large et riche que possible implique d’explorer les chemins battus mais d’aller bien au-delà en élargissant intentionnellement et de manière structurée le bassin de talents cible. Cela permet de considérer des profils différents et de garantir d’insérer au moins l’un d’entre eux dans la sélection finale.
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Mettre en place un dispositif d’évaluation robuste et complet
Il est tout à fait essentiel de concevoir des dispositifs complets qui évaluent les candidats de manière holistique tout en minimisant les biais liés à chaque outil. Selon les études*, si les tests de capacité cognitive et les évaluations structurées de performance sont parmi les plus outils les plus prédictifs de la réussite professionnelle, les dispositifs gagnent encore davantage en robustesse et en fiabilité lorsqu’ils sont complétés par des entretiens structurés et des évaluations des compétences en situation réelle (assessment center). Il ne faut donc pas se cantonner à un seul outil (par exemple l’entretien) mais bien imaginer des dispositifs complets adaptés aux enjeux spécifiques du poste à pourvoit tels qu’ils sont identifiés dans la scorecard. La collégialité fait aussi partie des facteurs clés de succès du dispositif puisque la qualité de décision sera d’autant meilleure qu’il existe une diversité de personnes assertives qui sont impliquées dans le processus de recrutement, en commençant par des professionnels de l’évaluation et du recrutement (cabinets d’executive search et/ou recruteurs internes), en passant par des opérationnels conscients des réalités du poste et de ses exigences et en finissant par des membres de l’équipe management, garants du fit culturel et de l’adéquation du candidat aux enjeux de long terme.
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Des recruteurs formés et conscients de leurs limites
Il ne suffit pas de reconnaître l’existence de biais psychologiques, il convient que chaque recruteur ou chaque personne impliquée dans un processus de recrutement travaille activement à comprendre les siens propres et à la meilleure manière de les minimiser. Pour celà, la formation et l’évaluation régulière sont des éléments clés.
Pour commencer, la formation pourra porter sur l’identification et la compréhension de ses propres mécanismes de fonctionnement (son paradigme en tant que recruteur). Elle pourra ensuite se déployer sur la maitrise technique de la boite à outils du recrutement : référentiels de compétences, scorecard, tests psychométriques, assessment centers, techniques de conduite d’entretiens (ex : BBI)…etc.
Enfin, il convient d’instaurer une politique de suivi et d’évaluation rigoureuse. Mesurer les résultats des processus de recrutement et leur impact réel sur la performance permet de corriger le tir en continu. Seule une approche d’amélioration continue, où chaque décision de recrutement sert de leçon pour la prochaine recherche, peut finalement assurer une progression valide des recruteurs et une minimisation de leur biais.
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