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En dépit du fait que l’impact actuel de l’Intelligence Artificielle sur les niveaux d’emploi reste limité, on peut d’ores et déjà observer des modifications substantielles dans le contenu même de nombreux métiers ..et celà ne fait que s’accélérer.

Si, en termes prospectifs, l’OCDE estime qu’environ 27% du total des emplois (y compris de nombreux emplois de cadres et dirigeants) sont à « haut risque d’automatisation » sur le moyen/long terme, pour l’heure, l’IA transforme donc aujourd’hui davantage les emplois qu’elle ne les remplace. Comme toute révolution, celle de l’IA est ainsi porteuse de menaces, mais aussi d’opportunités pour ceux et celles qui sauront l’intégrer dans leur réflexion et développer par la même leur performance professionnelle comme leur carrière.

Explorons les changements induits par l’IA et quelques moyens d’en tirer profit pour un cadre ou un dirigeant désireux de rester en contrôle de sa carrière.  

Comprendre l’impact de l’intelligence artificielle sur les fonctions de management et de direction

Remarque : Il faut tout d’abord préciser que nous allons considérer ici l’IA telle qu’elle est disponible aujourd’hui, c’est à dire dans sa forme principalement générative (ChatGPT,  Google Bard, Midjourney, Claude…). Si nous devions aller rapidement vers le déploiement « d’Intelligence Artificielles Générales » capables d’apprendre et d’effectuer de manière autonome n’importe quelle tâche propre aux humains, il est très probable que les conclusions seraient différentes.

Aujourd’hui, les cadres et dirigeants jouent un rôle de pivot dans la gestion stratégique et quotidienne de leur organisation, au travers de missions et tâches qui varient grandement en complexité et en nature selon le poste considéré.

On peut cependant identifier quelques activités structurantes :

  • L’analyse et la conduite stratégique,
  • La gestion des opérations,
  • Le leadership et le management,
  • Le développement des affaires,
  • La relations aux parties prenantes externes,
  • L’innovation et la prospective.

La caractéristique principale des IA génératives étant de mettre à disposition de leurs utilisateurs une puissance de traitement et de calcul phénoménale, il parait naturel de considérer que nombre de taches qui relèvent de la compilation ou du processing de données, de l’écriture de langages informatiques ou encore d’opérations de calcul pourront être à court terme prises en charge presque totalement par les IA et ce, de manière très largement automatique.

Celà signifie que des pans entiers de l’analyse stratégique ou de la gestion des opérations pourront rapidement sortir du champ des activités confiées à l’humain. Pour le cadre ou le dirigeant, celà impliquera par conséquent un changement fondamental de posture et même de rôle : de celui/celle qui traite et analyse la donnée à celui/celle qui pose la bonne question à l’IA et lui donne la bonne instruction (c’est le prompt engineering), vérifie la qualité et la sécurisation de la réponse fournie et surtout, exploite celle-ci pour permettre un « saut stratégique ou créatif ». En somme, « moins de calcul, plus de pilotage et de vision ».

Par effet de vases communiquants, celà signifie aussi une valorisation accrue des missions « purement humaines » tournant autour de la collaboration, du management, de la communication stratégique ou de l’engagement interpersonnel des parties prenantes internes comme externes. Au total, il faut donc s’attendre à ce que de nombreuses compétences cognitives jusqu’ici différenciantes viennent « doublonner » avec l’IA et ne soient donc plus autant valorisées, voire deviennent superflues alors que d’autres, et notamment la capacité à utiliser/piloter l’IA et à inspirer/gérer l’humain deviendront extrêmement recherchées.

En d’autres termes, au sein des entreprises, on peut anticiper une bascule forte de la valorisation de qualités relevant aujourd’hui du Quotient Intellectuel (capacité à calculer et à raisonner) vers celles entrant dans le champ du Quotient Émotionnel (capacité à fonctionner avec l’humain) et de la Pensée Critique (capacité à l’utiliser l’IA à bon escient puis à se former une opinion personnelle sur la base des analyses proposées par l’IA).

Que faire pour tirer pleinement partie des transformations dues à l’Intelligence Artificielle ?

Se former à l’IA ..encore et toujours

Adopter une démarche proactive et faire de l’IA son allié « employabilité » plutôt que d’en subir passivement les impacts (actuels ou à venir) est essentiel pour les cadres et dirigeants. Il peut être pertinent de privilégier au départ les formations opérationnelles et pratiques dites « on the job », qui intègrent l’IA dans les processus métier, ceci afin d’optimiser rapidement sa productivité. Selon les enquêtes de l’OCDE, quatre travailleurs sur cinq qui se sont formés à l’IA reconnaissent en effet qu’elle a amélioré leur performance au travail et trois sur cinq apprécient même davantage leur travail grâce à elle. Cette démarche de formation doit également amener le cadre ou le dirigeant à identifier clairement les domaines de compétence de l’IA mais aussi ses limites et risques dans son contexte particulier, évitant de sa part ainsi une délégation précipitée et aveugle.

Mais si l’effort de « rattrapage » à court terme est nécessaire, il surtout vital que le cadre ou le dirigeant s’engage dans une démarche de formation continue qui s’inscrive dans le temps long. L’IA évoluant constamment et étant très loin d’avoir exprimé son potentiel ou trouvé son usage ultime,  il est en effet nécessaire de rester connecté en permanence à son évolution et ce, en s’extrayant du contexte immédiat de son métier. Cela permet aussi de ne pas dépendre uniquement de la capacité de son entreprise à embrasser (ou pas) cette révolution technologique…avec tous les risques que cela comporte par rapport à la préservation de son employabilité.

Développer son intelligence émotionnelle et son leadership

Si on admet que le calcul, la manipulation de la donnée et le pilotage des processus, vont progressivement basculer sous la coupe de l’intelligence artificielle, le cadre ou le dirigeant soucieux de demeurer pertinent doit impérativement développer son impact et sa performance sur les champs purement « humains ». L’IA, malgré ses avancées, reste en effet encore incapable de reproduire la complexité des interactions humaines basées sur l’empathie, l’écoute active, la confiance et la richesse de la communication non-verbale et des relations interpersonnelles.

Pour développer leur intelligence émotionnelle, les cadres et dirigeants peuvent suivre de nombreuses voies..et la plupart dont déjà accessibles. Les ateliers, formations et les séminaires spécialisés offrent des opportunités pratiques pour apprendre à mieux comprendre et gérer ses propres émotions et ainsi que celles des autres. En outre, l’engagement dans des programmes de coaching personnel ou de mentorat demeurera une excellente manière de développer ses compétences humaines essentielles en bénéficiant de retours personnalisés et adaptés à sa situation spécifique. L’auto-évaluation régulière, via des journaux de bord ou des feedbacks 360 degrés pourra aussi aider à mesurer et à améliorer continuellement la performance « humaine » dans un monde où l’IA prendra en charge les tâches algorithmiques mais laissera largement intact le domaine des relations et du psychologique.

Développer ses compétences en matière de pensée critique pour une meilleure prise de décision

Dans un monde ou l’intelligence artificielle recueillera les données, les trairera, les analysera et en fera la synthèse, il reviendra finalement à l’humain de faire le reste du chemin, à savoir évaluer les options disponibles (dont celles proposées par l’IA) ..et décider.

Pour faire celà, la pensée critique deviendra (même si elle l’est déjà largement) une compétence centrale des meilleurs cadres et dirigeants. Pouvant être définie comme le processus intellectuel consistant à évaluer et combiner avec performance des données, des analyses et des observations pour parvenir à se forger une opinion indépendante et éclairée sur des sujets complexes, elle constituera un facteur fort de différenciation entre ceux qui subissent l’émergence de l’intelligence artificielle et la perçoivent comme une forme de concurrence et ceux qui sauront en tirer profit pour faire exploser la qualité et la vitesse des décisions au sein de leur organisation.

En toute logique, plus de données et d’analyse en continu (car l’IA est au travail) doit en effet permettre d’examiner mieux et plus souvent les scenarii disponibles, d’en modéliser les impacts et d’avancer vers des décisions mieux réfléchies et plus fines.

Mais développer la compétence de pensée critique n’est pas si aisé. Cela implique une série d’actions et d’habitudes mentales que l’on peut cultiver au fil du temps et qui, pour certaines, impliquent de se passer des facilités offertes par l’IA pour préserver et développer des capacités de raisonnement autonomes et un sceptiscisme questionnant.

Il n’y a en effet pas d’ambiguïté sur le fait que ceux qui tireront le plus de bénéfices de l’IA sont ceux qui auraient les compétences et les qualités pour s’en passer et ne l’utiliseront donc pas comme une béquille (pour combler un manque), mais bien comme un booster de performance.

Quelques bonnes pratiques pour développer ses capacités de pensée critique :

  • Continuer de s’informer et de s’éduquer en continu,
  • Adopter une curiosité questionnante en interrogeant les données, les sources d’information et en cherchant à comprendre les différentes perspectives et les enjeux des parties prenantes,
  • Pratiquer la métacognition pour identifier ses propres biais, réfléchir à ses réactions et jugements et être capable de penser contre soi-même,
  • S’engager dans des activités qui demandent logique et créativité pour affiner ses capacités de résolution de problèmes,
  • Dialoguer avec des personnes ayant des opinions différentes (voire contraires) pour tester et affiner ses points de vue,
  • Adopter une approche sceptique mais ouverte pour évaluer les certitudes et les croyances et éviter les biais de confirmation,
  • Créer, quand c’est possible, des scénarios hypothétiques pour mieux explorer les décisions potentielles et en anticiper les conséquences.

Alors, prêts à vous transformer en cadres dirigeants 5.0 ?

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