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Selon les données du Défenseur des Droits, en France, le nombre de plaintes pour harcèlement professionnel a doublé entre 2016 et 2020. Pour sa part, l’INRS révèle que 30% des employés français estiment avoir été victimes de harcèlement moral au travail au moins une fois au cours de leur carrière. Explosion des comportements inacceptables ? Libération de la parole après des périodes marquées par une pratique de la censure ou de l’auto-censure ? Développement d’une culture du contentieux dans les relations sociales avec un recours  commode au « bazooka » de l’accusation pour harcèlement ?… Les causes demeurent incertaines et sont probablement multifactorielles.  Une chose est sure : les chiffres ne cessent d’augmenter et il est indispensable de prendre des mesures pour gérer ce phénomène par ailleurs clairement défini par le législateur.

Anticiper et gérer les Risques Psychosociaux et développer la Qualité de Vie au Travail

Comme nous l’avons évoqué dans un article récent, la meilleur manière de gérer un RPS (tel que le harcèlement) est de faire ne sorte qu’il ne se matérialise pas. L’anticipation par la mise en oeuvre d’une vraie politique QVT / QVCT est donc à ce titre un axe fondamental. En effet, même si le harcèlement en entreprise peut être lié à une multitude de facteurs, il faut se se souvenir que l’environnement de travail joue un rôle déterminant : un stress élevé, des charges de travail excessives, des objectifs irréalistes ou au contraire illisibles, une compétition exacerbée ou malsaine .. l’ensemble de ces situations (liste non exhaustive) peut favoriser, voire encourager implicitement, des comportements de harcèlement.

La culture collaborative et managériale et les processus de travail de l’organisation peuvent aussi être le terreau de comportements et pratiques à risques. Par exemple, si une personne se trouve en position de pouvoir et que celui-ci n’est pas encadré par des valeurs et des règles appropriées, elle peut être tentée d’en abuser. Également, le manque de diversité et d’inclusion peut générer des réflexes d’entre-soi qui peuvent conduisent à des comportements discriminatoires et à du harcèlement à l’encontre des collaborateurs jugés « différents ».

Enfin, les problèmes personnels ou psychologiques peuvent également jouer un rôle. Par exemple, une personne qui a des difficultés à contrôler son impulsivité, sa colère et a des tendances autoritaires ou des préjugés personnels peut être plus encline à harceler ses collègues. Là encore, une politique QVT / QVCT exigeante et fondée sur les valeurs véritables et partagées de l’entreprise doit permettre d’accompagner les personnes rencontrant ce type de problèmes …voire d’agir en amont en évitant de les recruter (grâce à une refonte des principes, processus et outils de recrutement et d’évaluation).

Réagir vite et bien en cas de suspicion de harcèlement professionnel 

La suspicion de harcèlement, lorsqu’elle n’est pas traitée, peut entraîner des conséquences dévastatrices pour les collaborateurs comme pour l’entreprise. Au niveau individuel, la situation peut conduire à une détérioration de la santé mentale et physique de la victime présumée (mais également de son entourage personnel et professionnel), allant du stress chronique à l’épuisement professionnel, en passant par l’anxiété et la dépression …lesquels peuvent générer des troubles du sommeil, des problèmes cardiaques ou encore des idées suicidaires.

Sur le plan professionnel, l’absence de réponse à une suspicion de harcèlement peut conduire à une perte de focus de la part des collaborateurs, une baisse de la productivité, une diminution de l’engagement au travail et une augmentation du taux d’absentéisme…et ce, aussi lorsque l’accusation parait manifestement infondée. Pour l’entreprise, cela se traduit donc bien souvent par une baisse de la performance globale et une qualité de vie au travail dégradée qui peut rendre difficile l’attraction et la rétention des talents. Au total, l’inaction face à une situation de harcèlement potentiel met donc rapidement en péril le bien-être des employés et la performance de l’entreprise, d’où l’importance cruciale d’agir vite et bien dès l’émergence des premiers signes.

Quels peuvent être les signes d’un harcèlement professionnel ?

  • Bien évidemment, il y a d’abord les comportements observables par des tiers. Il peut s’agir de comportements répétés visant à dénigrer, critiquer ou isoler une personne, de commentaires blessants ou offensants, d’insultes, de moqueries, de rumeurs ou de menaces. Les comportements non verbaux, tels que les regards méprisants, peuvent également constituer du harcèlement.
  • Il y a ensuite les signes indirects. Un changement notable dans l’attitude d’un collaborateur qui se replie sur lui-même, semble anxieux ou déprimé, dont la productivité ou la qualité de travail chutent, s’absente de manière accrue..voilà autant signaux d’alarme indiquant que quelque chose ne va pas..ce quelque chose pouvant être (mais pas que) du harcèlement.

La nécessité d’une intervention externe

En cas de suspicion ou de plainte de harcèlement, il est crucial de diligenter immédiatement une enquête RPS et de la confier à un tiers indépendant et compétent qui peut être, par exemple, un cabinet RH, un avocat ou encore un psychologue. Pourquoi ?  Tout d’abord car cela élimine les risques de conflit d’intérêts, assure une impartialité totale et renforce la crédibilité générale du processus d’investigation et ses conclusions futures. Par opposition, une enquête conduite en interne pourrait être entachée (ou soupçonnée de l’être, ce qui revient au même en termes d’impact) par des préjugés, des préférences personnelles, ou des intérêts organisationnels de nature à influencer les conclusions et les mesures prises.

Par ailleurs, l’intervention d’un tiers renforce généralement la confiance des collaborateurs, libère la parole (en vertu du principe de confidentialité dont l’intervenant est le garant) ce qui peut faciliter la manifestation de la vérité, encourager d’autres victimes potentielles à s’exprimer ou révéler des problèmes sous-jacents.

Egalement, d’un point de vue plus formel, l’enquête constituant le fondement d’une potentielle sanction disciplinaire, il est important qu’elle soit menée par des professionnels, rompus à l’exercice et capables de choisir les méthodologies les plus adaptées, dans le respect des principes que sont : l’impartialité, le respect du contradictoire, la discrétion et la confidentialité, la proportionnalité des moyens d’enquête et le respect des droits de la personne mise en en cause. De manière concrète, toutes les parties potentiellement impliquées doivent donc être auditionnées suivant un protocole strict, ce qui inclue naturellement, la victime présumée et la personne mise en cause mais également l’auteur du signalement et tout autre témoin potentiel.

In fine, même si (notamment sous l’impulsion du législateur qui s’est saisit du sujet), les consciences s’éveillent de plus en plus et que la prise en charge du harcèlement au travail s’améliore notablement, l’importance d’une enquête rigoureuse et neutre doit encore être rappelée. Fondée sur l’investigation, elle est en réalité également un outil au service de la promotion d’une culture collaborative et managériale moderne, saine et respectueuse. En fin de compte, elle doit donc pouvoir bénéficier à tous : collaborateurs comme entreprise.

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